Un sourire des plus rayonnant éclaire son visage lorsqu'il nous aperçoit. Il nous salue tous, évitant le regard de Joyce pour je ne sais quelle raison, puis s'arrête un moment en plongeant son regard dans le mien. Il me fait un clin d'œil, que je fais semblant de ne pas avoir remarqué. Je lui lance juste un regard noir, puis fais un pas pour entrer dans la maison.
Aïe.
Je viens de me prendre une porte invisible en pleine face. J'entends Jake et Zachariah se foutre de moi, et je me retourne en me massant le nez. Joyce me regarde, essayant, absolument pas discrètement, de cacher son envie d'éclater de rire. Je regarde Zachariah avec insistance.

- Protection, dit-il d'un ton narquois. Ça empêche les mauvaises énergies d'entrer.

Je le regarde en haussant les sourcils.

- Oh, ça va c'est bon, tu dois savoir que je suis plutôt taquin, dit-il en faisant un mouvement de la main.

Je réessaye d'entrer, et y arrive enfin. J'avance dans le couloir sans regarder derrière moi, un peu vexée. La porte claque et les autres me suivent. Je m'arrête dans une pièce plutôt grande, et chaleureuse. Bien différente de l'« infirmerie » de la dernière fois. Il y a une grande bibliothèque au fond de la pièce, et un canapé bordeaux face à une table basse beige, avec deux fauteuils de la même couleur de chaque côté. Un grand rideau rouge cache le soleil perçant par la grande fenêtre.
Nous avançons tous dans la pièce, et Zachariah nous fait signe de nous installer. Je vais donc m'asseoir dans le canapé. Jake se dirige vers moi, mais Joyce prend sa place et s'installe près de moi. Je suis plutôt déçue, je dois bien l'avouer. Jake va s'asseoir dans un fauteuil, et Zachariah fait de même.
Il y a un silence, avant que Zachariah ne prenne la parole.

- Alors, si vous êtes venus me voir, c'est qu'il y a quelque chose, non ?
- Oui, à vrai dire, c'est pour elle que nous sommes venus, fait Jake en me désignant.
- Oh... Évidemment. Vous pensez que je peux l'aider à contrôler ses pouvoirs, c'est ça ?
- C'est ça. Mais, Zac, elle n'est pas comme les autres.
- Je sais, dit-il en me lançant un regard furtif. Elle est bien plus puissante que les autres.

Je me racle la gorge. Ça me gêne d'être dite comme « bien plus puissante », même si c'est peut-être vrai. Et puis, je ne sais pas ce qu'il peut faire pour moi. Il me regarde et plonge son regard bleu dans le mien. Je rougis un peu, mais me reprends.

- Je peux faire quelque chose pour toi, mais il va falloir être forte, dit-il enfin après quelques secondes.
- Pas de problème.
- Tout d'abord, il faut savoir faire le vide dans ton esprit. Tu peux faire ça ?
- Euh... Je sais pas. Oui, je pense, répondis-je, hésitante.
- Il faut que tu en sois sûre. Ce n'est pas si facile que tu le penses. Ah, au fait, fait-il en se tournant vers les autres, vous allez restez ici un moment. Pour que j'aide Heaven, il va falloir qu'elle côtoie la magie tous les jours.

Tout le monde reste silencieux, regardant Zachariah d'un air interrogateur.

- On va rester là ? Ici, chez toi ?, demandé-je.
- Oui, c'est ça. J'ai assez de chambres pour tout le monde. À moins que ça ne gêne quelqu'un.
- Non, non c'est pas gênant du tout, c'était juste pour savoir, répondis-je brusquement, légèrement perturbée de dormir dans le même endroit que Jake.

Je vois le soleil se coucher doucement par la fenêtre. Zachariah nous fait visiter la maison. En fait c'est plutôt moi qui visite, comme les autres connaissent déjà l'endroit, et semble habitués. Il nous montre nos chambres. Elles sont toutes identiques, et plutôt simples. Les murs blancs, une grande fenêtre au fond de la pièce, un lit et une armoire. C'est tout. Chacun va dans sa chambre respective. La mienne est juste en face de celle de Jake, et celle de Joyce un peu plus loin, près de celle de Zachariah. D'ailleurs, j'ai remarqué qu'ils s'évitaient du regard tous les deux. Ils ne se sont presque pas adressés la parole depuis notre arrivée, et changeaient de ton quand c'était le cas. Bizarre.
Je me tourne vers mon lit, et me rends compte de quelque chose. Je n'ai absolument pas d'habits. Je n'ai rien à me mettre, hormis ce que je porte actuellement.
Je décide donc d'aller demander des habits à Joyce, en espérant qu'elle ne refuse pas.
Je frappe à sa porte, et elle m'ouvre, déjà prête à dormir.

- Qu'est ce que tu veux ?, me demande-t-elle d'un air perplexe.
- Euh... Je me demandais si t'avais pas quelque chose à me passer pour la nuit, je viens de me rendre compte que j'avais rien prévu.
- Oh. Ça arrive, dit-elle en me laissant entrer avec un sourire.
- Merci.
- Pas de quoi, je garde toujours quelques trucs ici au cas où je resterais, fait-elle en me sortant un pull gris et un short en coton blanc de son armoire.

Je prends les affaires et la remercie encore avant de me diriger vers la porte. Je m'arrête alors, et me retourne brusquement vers elle.

- Qu'est ce qui se passe entre toi et Zachariah ?, demandé-je d'un coup.

Je regrette tout de suite ma question. Mais qu'est ce qui va pas chez moi, à me mêler de ce qui me regarde pas ?

- Désolé, j'aurais pas du te demander ça, fais-je.
- Non, c'est rien, je comprend que tu te poses des questions, dit-elle après un moment. Viens t'asseoir, que je te raconte.

Je vais m'asseoir près d'elle sur le lit, un peu hésitante.

- Bon, alors. Zac est mon ex. On est sortis ensemble il y a deux ans, mais on a vite compris que ça n'allait pas marcher entre nous. Alors même si on était très amoureux, on a décidé de se séparer, dit-elle d'un ton nostalgique.
- Oh...

J'en étais sûre.

- Tu te demandes sûrement pourquoi, fait-elle avec un maigre sourire.
- Euh... Oui j'avoue que ça me trouble un peu...
- Et bien, c'est tout simple. Il est immortel, et moi non. On était un peu obligés de se séparer...
- Je comprends mieux. C'est vrai que ça pose problème...
- Oui, en effet.

Un silence inconfortable s'installe entre nous. Je me lève d'un coup.

- Bon, je pense que je vais y aller. Salut, dis-je avec un signe de la main.

Elle me sourit, et je sors de la chambre. Je tombe nez à nez avec Zachariah.. Le rouge me monte aux joues quand je l'aperçois. Il a les cheveux mouillés et ébouriffés, et quelques gouttes coulent le long de son torse nu. Il a un corps parfait, il faut bien l'avouer.

Il se racle la gorge et me sourit, une lueur malicieuse dans les yeux.

- Ça va, on se rince bien l'œil ?, me dit-il.

Je tousse bruyamment.

- Pas du tout, t'es fou toi, dis-je en guise de réponse.
- C'est ça, c'est ça. Je te conseille juste d'être plus discrète quand tu mates un mec. Franchement Heaven...

Je lui lance un regard noir puis me dirige vers ma chambre, en l'entendant me dire « Bonne nuit ! ».

Arrivée dans ma chambre, je me change, puis regarde par la fenêtre. Je ne suis pas du tout fatiguée, alors je reste là, les yeux dans le vagues. Dehors, tout est noir. Rien n'éclaire si ce n'est la lune presque pleine qui brille dans le ciel. On ne voit rien, n'entend rien.
Soudain, une lumière s'allume, puis une autre, et encore une autre, pour finalement illuminer la grande place. J'observe en silence le paysage, en rêvassant. Je regarde la forêt qui m'intrigue depuis la première fois que je suis venue. Elle à l'air si... magique. Une goutte de pluie s'abat sur la vitre et me fait sursauter. Il pleut de plus en plus.
Quelques minutes plus tard, je suis toujours accoudée à la fenêtre, à regarder l'averse dehors.

Je veux sortir.
Je veux aller dans cette forêt.
Je le veux, et je vais le faire.

Je me lève et enfile mes chaussures. J'ouvre la porte doucement, en essayant de ne pas faire de bruit. Je serre les dents en sortant, puis traverse le couloir sur la pointe des pieds.
J'arrive à l'entrée, ouvre et referme la porte avec précaution, puis descends les escaliers à pas pressés, manquant de glisser à plusieurs reprises. Il fait froid, très froid, et la pluie est glacée. Le vent me frappe durement, mais je m'en fiche. Je veux vraiment allée dans cette forêt, comme si elle m'attirait et que rien ne pouvait m'empêcher d'y entrer.
Je marche dans l'herbe humide, en grelottant.

La forêt sombre et mystérieuse me fait face. Les feuilles frémissent, lui donnant un aspect encore plus lugubre. Je prends une grande inspiration, puis y pénètre enfin.
Il fait si noir. Je ne vois rien, les branches froide me griffent au visage, et un silence de mort règne. Pourtant, ces grands arbres semble habitée. Je ne sais pas pourquoi je ressent cela, mais je sens comme une présence, vivante.
J'ai envie de partir, en fait. Mais je ne sais absolument pas où je suis. Je suis perdue. Complètement perdue.
J'avance à tâtons, en me traitant de tous les noms intérieurement.

Je trébuche sur ce qui me paraît être une racine et tombe. En me relevant, je remarque une petite lueur qui brille pas loin de là où je suis. Je me dirige vers elle en pressant le pas.
Je m'en rapproche, puis arrive enfin à une sorte de clairière verdoyante.
Je sens du mouvement derrière moi et me retourne brusquement.
Je reste bouche bée.

C'est une dryade. Une dryade est juste devant moi. Elle a des cheveux rouges sang, deux oreilles pointues et une peau légèrement verdâtre, s'accordant parfaitement à l'arbre majestueux qu'elle habite.
Elle tend sa main fine au ongles aiguisés vers moi, plus précisément vers ma clavicule. Je ne bouge pas, comme hypnotisée par son regard envoûtant.
Au contact de ses doigts sur ma peau, une décharge violente me traverse le corps. Elle me sourit. D'un sourire malsain, presque maléfique.
Un éclair de lumière brutal me passe devant les yeux.
Puis, le noir total.